lundi 11 mai 2015

Zone 52 n° 2


En voilà une belle couverture! C'est celle du n° 2 de Zone 52 que l'on peut dès maintenant pré-commander ici pour une sortie courant juin.

Un petit aperçu du sommaire de ce numéro 2 (110 pages, format A5) :

Cinéma:
- Dossier Western italien
- Chroniques (Starcrash, Howard the Duck, Electric Boogaloo...)
Musique :
- Soundtracks : interview Raphaël Gesqua
- Qu'est-ce qu'un groupe ?
- Depuis des Lustres
- La Latin Rap Connection des 90's
- Metal Zone
- Chroniques
Bouquins:

- Dossier Trash & Gore : interviews David Didelot et Julien Heylbroeck / chroniques
- My Soul on Fire

...
Le complet sur le site Zone 52.

vendredi 1 mai 2015

Entretien avec Didier Lefèvre

Entretien publié le 11 mars 2015 sur le site Toxic Crypt et réalisé par Rigs Mordo.

medusafanzin
 
Quelle fut l’impulsion qui te poussa à créer ton propre fanzine ?

Dans mon cas, l’impulsion est triple. La première, c’est comme pour beaucoup d’éditeurs de fanzines, à travers Mad Movies, que je lisais déjà lorsque j’étais très jeune. Son histoire, le fait que ce soit un fanzine qui soit devenu un magazine, c’est quelque-chose qui m’a inspiré, qui m’a fait rêver et croire que cette aventure formidable était réalisable. La deuxième impulsion c’est le fait que dans mon lycée il y avait pas mal de fanzines qui circulaient, principalement des fanzines musicaux. C’était quelque-chose de très développé et après avoir fait partie du journal lycéen j’ai créé moi-même mes propres fanzines. D’abord pour déconner, car on y trouvait de l’humour un peu débile et gras, puis petit à petit j’ai glissé dedans des articles sur le cinéma et de fil en aiguille c’est devenu du vrai fanzinat. Puis la troisième impulsion vient de mon envie de l’époque d’écrire, je voulais faire de l’écriture mon métier et c’était un moyen de s’exercer, on va dire !

Ton modèle principal était donc Mad Movies plutôt que d’autres fanzines de l’époque.

Au tout début, c’était Mad Movies, oui. Pas un modèle dans le sens où je cherchais à l’imiter mais c’était ma référence. Ce n’est qu’au milieu et à la fin des années 80, lorsque j’ai commencé Médusa, que je me suis mis à acheter d’autres fanzines comme Monster Bis, Cine Zine Zone, Inferno ou Darkness, qui existait déjà à l’époque. Ça m’a aidé à avoir l’idée de ce que serait Médusa, qui est d’ailleurs assez proche de ce qu’est le fanzine aujourd’hui, c’est-à-dire un fanzine avec beaucoup de plumes différentes, qui tente de diversifier la chose. Je me souviens que pour le troisième numéro de Médusa, j’avais écrit à plein d’autres rédacteurs de fanzines pour savoir s’ils voudraient bien me faire des articles car mon idée était de faire un « fanzine inter-fanzines ». Bon, je n’ai pas eu beaucoup de réponses et ceux qui m’avaient écrit ne me proposaient pas toujours quelque-chose d’intéressant mais c’était tout de même un brouillon de ce que Médusa est maintenant.

De fanzine semble-t-il entièrement consacré au fantastique, Médusa a peu à peu muté en un fanzine sans barrières, qui peut passer de la comédie au drame, de l’action au porno, tant que les films restent bis. C’est important pour toi de déployer toute cette variété, de ne pas mettre de frontières ?

Oui tu as raison, au départ c’était clairement orienté vers le fantastique car c’était vraiment le genre qui me plaisait. Et puis finalement je me suis senti un peu enfermé dans ces limites alors que j’avais envie de parler d’autres genres dont tout le monde ne parlait pas forcément. Et l’apport des fanzines m’a aussi fait changer, des fanzines comme Monster Bis, Inferno et Cine Zine Zone qui pour leur part parlaient de tout ! D’épouvante, de krimi, de films de capes et d’épées, de films de guerre,… Je me suis dit que finalement le bis était tellement riche qu’il ne fallait pas se donner de limites, qu’il fallait aller gratter toujours plus loin. Il faut dire qu’à l’époque avec la vidéo on trouvait de tout, du fantastique mais aussi beaucoup d’autres choses. Et puis en écrivant sur ces films, on se rendait compte que tel réalisateur n’a pas fait que du fantastique et qu’il a aussi versé dans la comédie, dans le polar, dans les films de capes et d’épées,… Donc si on voulait parler de tout, il fallait retirer ces limites, oui.

Après 26 ans de bons et loyaux services à la cause d’un bis varié, est-ce qu’il ne t’est pas difficile de trouver des sujets inédits, peu traités ?

Non car la force du cinéma bis ou populaire fait que c’est un puit sans fond, en fait. Aujourd’hui encore je trouve des films italiens, espagnols, même français ou américains dont j’ignorais totalement l’existence ! J’emploie souvent l’image de la pelote de laine mais c’est vraiment ça : on tire sur un fil et ça déroule des dizaines et des dizaines de films ! Bien sûr il y a beaucoup de mauvais titres dans le lot mais pour moi ce n’est pas un critère pour ne pas en parler. L’existence de ces films suffit pour qu’ils soient traités. Comme avec le temps j’ai de plus en plus envie de proposer de l’inédit, je ne m’impose aucune limite et si demain je découvre un réalisateur ouzbek, j’en parlerai avec la même passion que pour réalisateur italien ou français.

Tu proposes et le lecteur dispose et découvrira lui-même la qualité des films…

Je fais tout de même attention à l’avis des lecteurs mais bon… Actuellement je reçois beaucoup de lettres suite à la parution du Médusa 26 et chaque lecteur me dit ce qu’il a préféré et ce qu’il a moins aimé, ce qui l’a intéressé et ce qui ne l’a pas intéressé. Mais avec une niche comme le fanzine bis, si je veux faire plaisir à tout le monde je dois faire un numéro par personne, au final. Certains lecteurs ne voudront pas de ciné asiatique parce qu’ils ne supportent pas ça, d’autres lecteurs qui sont des bisseux hardcore me diront que l’on parle d’Evil Dead dans le dernier numéro alors que pour eux ce n’est pas du bis, d’autres diront qu’ils n’aiment pas telle ou telle interview et auraient préféré que je publie autre-chose à la place,… C’est du coup difficile pour un fanzine de tenir compte de l’avis des lecteurs. On m’a proposé de faire un referendum pour savoir un peu ce que les lecteurs voudraient et attendent de Médusa mais c’est exactement ce que je ne voudrais pas faire car j’ai envie de surprendre. C’est d’ailleurs pour ça que je n’annonce pas le sommaire trop à l’avance, que j’attends un peu, car le but c’est qu’il y ait de la surprise, de ne pas refaire toujours la même chose. Faire des numéros qui parlent de films dont j’ai déjà parlé auparavant, ça ne m’intéresse pas.

Et puis tu mettais parfois dans le fanzine que c’était « un fanzine de Didier Lefèvre ». J’imagine que ce n’est pas évident de faire quelque-chose qui plait aux lecteurs et qui te correspond aussi totalement…

Peut-être… Je n’en sais rien, en fait ! Mais quand je mets « Un fanzine de Didier Lefèvre » c’est parce que même si il y a de nombreux collaborateurs, et aussi excellents soient-ils, Médusa doit toujours être mon reflet. Il n’y a qu’un homme ou qu’une femme à la barre. C’est lui le capitaine du bateau, c’est lui le réalisateur si je veux faire une analogie avec le cinéma. Ainsi quand j’écris « Un fanzine de Didier Lefèvre », cela signifie que j’ai choisi tout ce qui se trouve dedans, y compris ce que je n’ai pas écrit. J’assume tout ce qu’il y a dans Médusa. Alors oui, il est possible que certains lecteurs se disent qu’il est dommage que je parle de tel ou tel sujet qui ne leur plaisent pas mais à la limite, si cela ne convient pas ils peuvent ne pas le prendre. Je ne mets un pistolet sur la tempe de personne pour l’acheter ! Et puis la liberté du fanzine, c’est aussi le fait qu’en vendre dix ou quatre-cent ne change pas grand-chose. Bon ça me ferait quand même chier de n’en vendre que dix (rires) mais dans l’absolu cela ne change pas grand-chose… Je n’ai pas des objectifs de chiffre, avec des compères qui me disent « Attention, tu dois parler de ça car c’est populaire et ça va te ramener plein de nouveaux lecteurs ». Et je pense d’ailleurs que tous les zineux évitent cette logique-là.

Il y a en ce moment une petite polémique sur l’intérêt, ou plutôt le manque d’intérêt, de publier des articles peu inédits dans un fanzine. N’as-tu pas peur qu’on finisse par entrer dans une course à l’inédit au détriment des réelles envies de l’éditeur d’un fanzine ? Se dire « J’ai envie de parler d’Evil Dead mais c’est trop connu, je vais plutôt prendre ce petit film, même s’il ne m’intéresse pas » ?

Il ne faut pas que les gens entrent dans cette démarche, en tout cas. Et pour moi, la polémique n’a pas lieu d’être puisque le fanéditeur met ce qu’il veut dans son fanzine. Après, je me mets aussi à la place du lecteur : est-ce que ça va m’intéresser qu’on reparle encore et toujours des mêmes films ? J’en sais rien… Mais je pense qu’il ne faut pas prendre le problème à l’envers. Les premiers numéros de Médusa n’étaient pas nécessairement très glorieux et on y trouvait peu d’inédit et c’est normal. Chaque fanéditeur a besoin de faire ses armes et pour ce faire il vaut mieux commencer par un sujet qu’on maîtrise bien. Si on se lance dans une aventure sur des films inédits sans maîtriser totalement le sujet, on va croiser des spécialistes qui vont nous tomber sur la tronche en nous reprochant de parler de choses qu’on connait mal… Ce que je fais aujourd’hui dans Médusa sur le cinéma grec ou allemand, je ne l’aurais pas fait il y a dix ans. C’est une question de maturité. Je pense en tout cas qu’il n’y a jamais trop de fanzines ! Si le fanzine reste l’objet d’un créateur, il doit être libre. Christophe Triollet a fait un article sur le sujet, sur le trop plein de fanzines et il aurait surtout été dans le vrai il y a vingt ans je pense, car on trouvait beaucoup de fanzines qui imitaient Mad Movies. C’était même plus qu’imiter puisqu’on trouvait des fanzines qui photocopiaient des pages de Mad Movies ou L’Ecran Fantastique. Bon là… Quand t’es lecteur, ça n’a aucun intérêt d’avoir des photocopies quand tu peux avoir l’original ! Et il y avait aussi beaucoup de fanzines qui pompaient les interviews des magazines pros et là aussi on se demande quel était l’intérêt… Cela dit, pour revenir à ce qui se fait maintenant, j’ai récemment lu le fanzine La Fraicheur des Cafards qui a écrit sur John Carpenter. Je ne peux pas dire que j’étais très enthousiaste à l’idée de lire quelque-chose sur Carpenter dont j’ai déjà vu tous les films, mais j’ai malgré tout pris du plaisir en lisant ce qu’ils avaient à en dire et leurs analyses. J’ai trouvé ça frais et sympa ! Et puis, à chacun son niveau d’exigence. Pour ma part, je n’exige pas la même chose d’un fanzine qui en est à son numéro 2 ou 3, lorsqu’il est presque en rodage, d’un plus ancien qui en est à sa quinzième publication.

Médusa est quasiment un objet de collection, avec ses couleurs, son nombre de page, sa mise en page,… Bien sûr, tu parviens à tout cela grâce à l’informatique ! Ne regrettes-tu pas un peu le temps du collage, de l’agrafage, du découpage à la main ?

Honnêtement, non ! (rires) Je pense qu’il faut vivre avec son temps et si je ne regrette pas ce que j’ai fait et je ne regrette pas non plus que tout cela ait évolué. Les heures que je passais dans les boutiques de photocopies qu’on trouve souvent près des universités à photocopier des Médusa, les journées entières passées à allonger mes fanzines par terre pour pouvoir les faire, c’était hyper chronophage ! Je ne regrette certainement pas d’avoir un imprimeur qui me fait mes Médusa, qui me les assemble et tout ! Je n’ai plus qu’à les envoyer ! Ça, je ne peux pas le regretter ! Ce que je peux éventuellement regretter, c’est que comme à l’époque les photocopies étaient vraiment pourries, on devait se creuser la tête pour innover et je me souviens que je recherchais autant d’images et de fonds pour les pages que de sujets de films. Mais sinon je ne regrette rien de l’époque !

De l’avis général, le fanzinat est lié à un coté amateur. Mais depuis quelques numéros, Médusa fait la nique aux magazines professionnels ! Est-ce que tu n’as pas peur de perdre ce côté « fait maison », de devenir « trop réussi » pour le fanzinat ?

Ça reste amateur tout de même, il ne faut pas croire ! Médusa ce n’est pas mon métier, ça ne me fait pas vivre, j’ai un ordinateur normal et je fais mes mises-en-pages sur Word, je ne suis pas un pro de la PAO ! Pour la beauté de l’objet, puisque l’on peut faire quelque-chose de beau avec des machines qui permettent des copies numériques absolument parfaites, pourquoi s’en priver ? Je ne sais pas si Médusa est trop réussi en tout cas… Je reste très critique dessus. Dans le 26 il y a des coquilles que j’ai laissé passer, un bout de l’interview de Cindy Hinds qui manque ou qui est caché par une photo,… Si j’étais un pro, cela n’arriverait pas ! Cela reste donc amateur dans sa conception.

Tu ne t’arrêtes pas à Médusa puisque tu relances aussi Hammer Forever cette année ! Qu’est-ce qui a motivé ce retour très attendu par tes lecteurs et à quoi devons-nous nous attendre ?

Nous parlions tout à l’heure des agrafages et tout ce qui va avec, et bien Hammer Forever c’était un pari fou dans mon existence. Le but était de créer un fanzine mensuel, qui n’avait certes pas beaucoup de pages mais qui nécessitait tout de même de voir les films et faire des recherches, tout mettre en page avec des moyens qui ne sont pas ceux d’aujourd’hui,… Et tout cela prenait énormément de temps ! En plus, ce fanzine avait eu du succès pour l’époque. On n’en avait pas vendu des centaines de milliers mais j’avais mis en place un système d’abonnement et j’avais une centaine d’abonnés, ce qui est vraiment pas mal pour un petit fanzine. Mais c’était encore des heures devant la photocopieuse, des heures à tout assembler, des jours de courses effrénées pour récupérer les textes,… Mon pote Romain Hermant, avec qui je faisais le fanzine, me mentait effrontément en me disant qu’il avait fini ses textes alors que ce n’était pas vrai ! (rires) Je le savais très bien mais c’était une sorte de jeu entre nous. Mais c’était vraiment une course effrénée et j’ai arrêté car je frisais le burnout à la fin. Et puis avec l’explosion des frais postaux, c’était devenu un gouffre… Mais cette idée de relancer Hammer Forever a fait son chemin en moi, au début j’étais vraiment contre et puis petit à petit je me suis laissé embrigadé et séduire par l’idée tout en sachant que ce ne serait pas la même formule que l’ancien. Ce ne sera pas un mensuel, je pense plutôt qu’il y aura deux ou trois numéros par an et ce sera bien évidemment beaucoup moins épais qu’un Médusa puisque cela devrait faire entre 20 et 30 pages par numéro, je pense. On va en tout cas explorer ce que l’on n’avait pas fait à l’époque, on ne va donc pas refaire Le Cauchemar de Dracula ou Les Maléfices de la Momie mais d’autres choses. Et je pense qu’avec la technologie actuelle, cela pourrait faire de beaux objets ! Je suis en tout cas assez enthousiaste ! Par rapport à Médusa, il y aura beaucoup moins de monde dans le comité de rédaction. Il y aura bien sûr Romain Hermant car pour moi c’était impensable de refaire Hammer Forever sans lui alors qu’il était le co-fondateur de la version mensuelle. C’est d’ailleurs lui qui m’a relancé suite à sa réception du Médusa 26, il s’est rendu compte que ça lui manquait de ne pas écrire et comme de mon côté l’idée de relancer Hammer Forever me trottait dans la tête j’ai dit « Banco, on relance l’affaire » ! Je pense en tout cas dévoiler le sommaire vers le mois de mai et j’espère que nous aurons terminé pour le Bloody Week-End, histoire que les gens puissent l’acheter là-bas en premier lieu. Et puis pour ne pas arriver les mains vides, aussi ! (rires)

Retrouvez l'intégralité de cette interview sur Toxic Crypt.
Un grand merci à Rigs Mordo!